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Mali : un supplice populaire

Souvent, il suffit juste de tourner les yeux et de regarder autour de soi. Écouter les uns et les autres. Tu te rends compte la souffrance du pays. Si de 2012 à nos jours, des villages ont été carrément effacés de la carte, le Mali a aussi perdu plusieurs de ses enfants. Un supplice populaire qui ne semble pas être sur le point de s’arrêter.

Oui, nous avons perdu des hommes et des femmes, porteurs d’uniformes, des civils ou autres couches sociales. Mais aussi des personnalités. Si les armes ont pris certaines âmes, d’autres nous ont quittés naturellement. Certains aussi à la suite d’une courte ou longue maladie. Cependant, quelles que soient les circonstances, la mort reste toujours amère à digérer, difficile voire impossible à oublier pour les proches.

Depuis lundi dernier 21 mars 2022, je cherche les mots juste. Il n’y a pas et n’en n’aura certainement jamais. De Soumi Champion au Tigre, le Mali reste à mes yeux, le plus grand perdant. Je me prosterne devant la mémoire de tous nos disparu(e)s. Mais parlons plutôt de nos illustres disparus.

L’ami des enfants est allé en laissant des questions non répondues

Amadou Toumani Touré ATT, l’un des soldats de la démocratie, trois fois président si nous comptabilisons la transition démocratique et exemplaire de 1991. Élu deux fois à la tête de la magistrature suprême, il aura été jusqu’au bout le président qui essayait d’écouter son peuple, et de lui parler son langage.

Forcé de s’exiler au Sénégal après le coup d’Etat de 2012, à quelques jours de la fin de son second quinquennat. Feu ATT est finalement revenu au pays le 24 décembre 2017. Le monsieur qui a été qualifié de « chef de rebelles » est accueilli en héros. Par le même peuple ? A vous de répondre. Il nous fait ainsi grâce de son éloquence sur la télé nationale ORTM, comme pour nous dire à nos revoir. C’étaient là, ces dernières apparitions publiques. Il s’est éteint le 10 novembre 2020.

Le champion qui n’a jamais pu soulever « le trophée, la République ». Comme un supplice populaire, il agrandit le vide, laissé par ATT quelques semaines plus tard

Il s’est battu jusqu’au bout. Feu Soumaïla Cissé a occupé plusieurs grands postes dans l’appareil d’Etat, dont le fauteuil du ministère de la finance entre 1993 et 1997. Le natif de Niafunké a siégé plusieurs fois à l’Assemblée nationale. Mais il restera à jamais l’éternel dauphin à la quête de la présidence du Mali. Qualifié de tous les noms, indexé et caractérisé à tort ou à raison, il s’en est allé brusquement.

Libéré le 9 octobre 2020 des mains des « terroristes » après 6 mois en captivité, les Maliens sont presqu’unanimes pour dire qu’il est décédé juste un peu plutôt. Car il était le candidat parfait pour briguer au moins un mandat après la chute de feu Ibrahim Boubacar Keïta. Or juste avant sa mort, certains ont aussi laissé sous-entendre que son rapt était prémédité ou organisé juste pour se « victimiser ». Dieu seul sait. Une chose est sûre, la mort aura toujours raison de nous tous. Soumaïla Cissé nous a laissé le 25 décembre 2020.

Le Kankelentigui qui a eu du mal à rester sur une « kan (parole en bambara) »

Encore une fois des questions qui n’auront pas de réponse. Ne dit-on pas chez nous qu’on doit juste dire les bonnes œuvres ou encore le côté positif d’une personne déjà décédée ? Comme Feu ATT, monsieur Ibrahim Boubacar Keïta, affectueusement abrégé IBK n’a pas pu terminer son second mandat.

Un supplice populaire, pardon, je voulais écrire un mouvement populaire de contestation a eu raison de ses sept années à la tête du Mali. Un pays qui aura tout vu sous ses yeux, souvent impuissants. La crise a hissé la barre très haute et ses limites étaient plutôt visibles. Il est décédé au début de cette année 2022, précisément le 16 janvier. Au pouvoir, il aura tenté de calmer. Malgré les remaniements ministériels, la grogne sociale et autres mouvements d’indignation et protestation ont précipités sa chute. Accélérer par des élections (législatives) encore une fois contestées.

Justement, le tigre à beaucoup contribué à l’organisation des dernières élections du pays

oumeylou Boubèye Maïga
Soumeylou Boubeye MAIGA, Prémier ministre de la République du Mali et président du parti ASMA. Crédit photo Creative Commons

Cette figure emblématique de la lutte farouche pour la démocratie et la liberté au Mali s’est aussi éteinte ce lundi 21 mars dans une clinique à Bamako. Incarcéré depuis le mois d’août 2021, Soumeylou Boubèye Maïga, ancien premier ministre n’a finalement pas pu bénéficier d’une évacuation sanitaire, malgré les alertes de sa famille et de ses médecins. Il a été accompagné à sa dernière demeure ce jeudi 24 mars 2022. Mes condoléances les plus attristées.

Oui, certains diront que je n’ai pas mentionné certains noms, comme celui de l’ancien Premier ministre Modibo Keïta, ou encore le président Moussa Traoré qui aura régné 23 ans sans partage à la tête du Mali. Vous avez raison. Mais, il y a aussi d’autres grandes personnalités qui nous ont laisser sans mots ces derniers temps, dont feu Adam Thiam (journaliste-écrivain), notre ÈVE (mme Togola Awa Sémega). Ces deux dernières personnes ont marquées ma vie. Mes condoléances les plus attristées.

Des leçons à tirer dans ce que je considère comme un supplice populaire

Enfin, ne dit-on pas que même la mort mourra ? Tout est poussière et finira poussière ? A la fin, on se rend compte des points communs entre tous ces regrettés, ils sont encore plus aimés et pleurés de leur absence. Une leçon pour nous tous. Particulièrement pour les autorités actuelles. D’où vient ce supplice au peuple Malien ? Arriverons-nous à cicatriser nos blessures ? N’oublions pas que nous sommes passagers, mais le Mali demeure.

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Auteur·e

maiga

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